Rappel du premier message :

Après avoir passé le barrage méfiant de la bibliothécaire, Alice pénétra dans la réserve. Son mot était un faux, évidement, mais avec un peu d'arrogance, d'impatience, et après avoir rappelé son rang de préfète à la vieille femme acariâtre, cette dernière l'avait finalement laissée rentrer.

Le lieu était plus froid que le reste de la bibliothèque. Plus poussiéreux et sombre, aussi. Alice parcourrait les rayons, essayant d'en trouver un concernant les sortilèges de transfert... Au bout d'une dizaine de minutes, elle trouva une petite étagère consacrée à ce sujet, et commença à lire les titres des ouvrages.

*Eh bien... Il auraient pu faire moins énigmatique.*

Elle prit donc un livre au hasard, et consulta le sommaire. Cependant, elle arrêta un instant sa lecture, entend un bruit très léger derrière elle... Elle fronça les sourcils. Elle n'était pas sûre...

Dans le doute, elle se retourna brusquement, sa baguette tendue brillant d'un "lumos" informulé.

Le silence. Amber ne soufflait mot depuis sa sortie provocatrice incontrôlée. L'avait-elle choquée ? Plus Alice s'enfonçait dans le côté obscur et entretenait sa fascination pour la magie noire, moins les conventions sociales, dont elle était peu consciente à la base, lui étaient évidentes.

*Peut-être as-tu oublié à qui tu parlais... Elle venait de m'assurer de sa confiance... Mais regarde la, Alice. Elle a l'air douce, gentille, altruiste... Elle venait juste de me dire qu'elle ne me trahirait pas. Son sang est impur... Son sang est le même que le mien, je te l'ai déjà dit ! Au moins maintenant, elle sait, et si elle décide de partir, je ne la retiendrais pas.*

Mais Amber se mit à parcourir le rayon de ses doigts.

*Alors, même après ça, tu restes à mes côtés ?...*

Alice cachait sa fascination pour la jeune fille en faisant semblant de parcourir son ouvrage. Elle ne la sentait pas anxieuse, non... Elle semblait envahie du plus grand calme. Comme si elle avait l'impression de suivre un destin tracé à l'avance... Alice, qui avait toujours eu le choix, ne croyait pas au destin. Mais elle avait du mal à s'expliquer autrement la ténacité de la Gryffondor, qui tenait tant à la soutenir dans la moindre de ses entreprises, apparemment... Aussi stupides, futiles et suicidaires soient-elles.

- Et comment comptes-tu les re... Alice. Qu'est-ce que tu as au cou ?

Alice se tourna vers elle, portant sa main à sa gorge encore douloureuse, qui devait sans doute être marquée de traces violacées.

- Rien du tout, répondit la Serpentard d'une voix où perçait une pointe de panique, niant l'évidence.

N'aurait-elle pas pu en rester à cette première question qu'elle pouvait aisément deviner ? Alice préférait encore évoquer Davidson et son plan foireux plutôt que de repenser à la scène étrange qui s'était déroulée entre elle et O'Farrell quelques dizaines de minutes auparavant... Ses joues rougirent brutalement à ce souvenir et elle se détourna un instant, gênée.

*Mauvaise actrice, mauvaise actrice, mauvaise actrice... Pourquoi ne lui en parlerais-tu pas ? Tu lui as déjà confié des choses bien pires... Tu ne crois pas qu'elle est déjà à deux doigts de m'abandonner là ?... Elle partira certainement si elle croit que tu n'es pas sincère avec elle...*

La Serpy releva les yeux vers son homologue, ses traits arborant une expression piteuse.

- Pardonne-moi... C'est juste que... Ce n'est vraiment pas important.

*... Et que crois-tu qu'elle va en penser ? Des marques de strangulation, pas importantes ?*

Alice triturait nerveusement la reliure du grimoire qu'elle tenait dans les mains, incertaine. Elle avait si peu envie de l'évoquer... Ce n'était pas de la honte, qu'elle ressentait. Curieusement, se repasser la scène éveillait en elle des bouffées destructrices d'un désir violent. Comme si son comportement pouvait atteindre cet Autre, qui n'en aurait probablement jamais connaissance, de toute manière... Douleur interne soudaine et fulgurante.

- ... Et ce n'est pas ce que tu crois... Navrée, je suis vague, mais je me sens tellement stupide.

Elle referma d'un geste rageur le bouquin qu'elle tenait, qui n'avait pas la moindre solution non plus, et le replaça dans le rayon d'un air offensé, comme s'il s'était montré insultant à son égard.

*A croire que je vais devoir me blesser ailleurs pour que Mrs Pomfresh règle ce problème... Ne reporte pas ta colère sur autre chose...*

Car oui, Alice était profondément en colère contre elle-même et son stupide comportement avec O'Farrell. Elle avait presque l'impression de s'être fait rouler...

*De la culpabilité ? Je n'en sais rien. Je t'ai déjà dit qu'elle n'avait pas lieu d'être... Tu devrais me faire plus confiance...*

Par réflexe, Alice porta sa main sur sa nuque, légèrement en panique ce que n’échappa pas à la Gryffondor.

- Rien du tout.

Rien du tout ? Est-ce que pendant un instant la Serpentard avait cru qu'Amber allait avaler ça ? Bien sûr que si c’était quelque chose. Depuis quand portait-on des marques de strangulation aussi visibles pour le plaisir ? D'autant plus qu'elles étaient assez marquées, ce qui laissait sous-entendre qu'elles étaient récentes. La Gryffondor ne put s’empêcher de s’inquiéter pour Alice. Elle était pratiquement sûre que la Serpentard lui mentait, en même temps c'était pas difficile à voir vu la réaction qu'elle venait d'arborer, comme si on venait de lui arracher un secret honteux de son cœur. Peut-être que depuis le début, Alice avait cherché à cacher ses traces. Mais pourquoi l'avoir dissimuler ? Quelle personne avait bien pu lui infliger cela ?

[Et si c’était le professeur… Mogg ? Quand même pas. Mais alors à part lui qui veut tu que ce soit ? Je sais pas.]

Le visage d’Alice parut alors brusquement chauffé par une gêne brutale, des flammes roses montaient à ses joues, elle se détourna son regard, affolée.
Une main hésitante, Amber voulait s’approcher de la Serpentard, elle ne savait pas vraiment ce qu’elle devait dire. Gardant ensuite ses deux mains devant sa poitrine, le bouquin serré contre elle, et tripotant nerveusement son précieux pendentif, Amber regrettait ses paroles.

[Je suis trop curieuse. Tu l’as toujours été de toute façon… Oui mais là je crois que ça n’était pas le moment, je viens à peine de gagner sa confiance et je la mets déjà mal à l’aise.]

Après quelques secondes d’attente désespérée, Alice se tourna vers Amber.

- Pardonne-moi... C'est juste que... Ce n'est vraiment pas important.

Son visage, cette expression dans son regard vairon, Amber n’aurait jamais pu se l’imaginer si elle ne l’avait pas vu elle-même, jamais elle n’avait pensé qu’Alice pourrait un jour avoir cet air navré. Et elle resta si émotionnée d’entendre Alice lui adresser la parole en lui disant « Pardonne-moi » qu’elle ne répondit pas d’abord, encore toute retournée par ces simples mots.

- ... Et ce n'est pas ce que tu crois... Navrée, je suis vague, mais je me sens tellement stupide.

Alice referma l’ouvrage hargneusement, ce qui fit faiblement sursauter la Gryffondor. Résignée, Amber hocha frénétiquement la tête, sachant qu’elle ne pourrait pas en savoir plus et qu’elle ne désirait absolument pas la contrarier davantage car il lui semblait qu’elle était quelque peu froissée.

- Non c’est moi qui suis stupide, murmura Amber les yeux baissés d’une voix étranglée de culpabilité. Je n’aurai pas du.

La rouge et or se tourna vers l’étagère, contemplant un instant les ouvrages, à la recherche de ses mots, un moment désemparée. Est-ce qu’elle devait retourner à sa première question ? Peut-être qu'elle ne devait pas tant s'inquiéter pour elle, Alice avait beau avoir un an de moins qu'elle, Amber avait toujours eu cette impression que la Serpentard avait toujours été son ainée. La Gryffondor décida donc de laisser de côté ce qui l'intriguait, et si Alice désirait en parler, elle le ferait surement.
Amber déposa alors l'ouvrage qu'elle tenait en le poussant doucement entre les autres livres, et basculant sur le sujet initial, elle reprit la parole, d'une voix à présent calme et empli d'une parfaite assurance:

- Et donc, comment comptes-tu... commença-t-elle tout en continuant à passer avec douceur son doigt sur la reliure du bouquin pour le pousser au fond de l'étagère, atteindre Marius Sheffield, Alice ? Tu as un plan, non ? finit-elle par demander en tournant son regard vers son homologue.

- Non c'est moi qui suis stupide. Je n'aurais pas du.

Cette petite voix, empreinte de culpabilité, fit sortir Alice de ses pensées, et lui fit considérer sa consoeur rouge et or avec de grands yeux étonnés. Celle-ci évitait soigneusement de la regarder, les yeux rivés sur l'étagère, comme si celle-ci recelait un fascinant secret.

*Croit-elle que j'étais en colère contre elle ? Venant de toi, ce ne serait pas étonnant... Avec quelqu'un d'autre, oui... Mais elle... Elle est la première à qui tu accorde une amitié désintéressée, ou presque. Ça doit être ça...*

Amber reprit la parole, d'une voix assurée complètement différente, tout en replaçant doucement le livre dans l'étagère...

- Et donc, comment comptes-tu... Atteindre Marius Sheffield, Alice ? Tu as un plan, non ?

La Gryffondor la regarda de nouveau, avec cette lueur toujours déterminée au fond des yeux. Ce fut au tour de la Serpy de se concentrer un instant sur l'étagère, le temps de trouver une réponse adéquate à cette question...

*Je vais foncer droit sur lui et l'ouvrir en deux en partant du bas au couteau de cuisine.*

- Eh bien... Commença-t-elle en caressant une reliure dans un geste inconscient. Il se trouve que j'ai rencontré quelqu'un qui... Enfin...

Alice avait toujours agi en solitaire, et confier sa légère ébauche de plan kamikaze à quelqu'un... A quelqu'un qui semblait avoir une confiance aveugle en elle, qui plus est...

*Eh bien, dis-lui ! Tu ne crois pas qu'elle a besoin d'être rassurée et de croire que tu sais ce que tu fais ?...*

La Serpy releva la tête, et soutint son regard, l'expression sérieuse.

- Pour l'instant, je ne connais que le moyen de rejoindre la cause. Le week-end dernier, j'ai rencontré l'une des leurs, qui a semblé... Je ne pourrais pas dire emballée, mais disons qu'elle avait l'air de penser que je pourrais éventuellement avoir ma place parmi eux.

Evidemment, elle ne pouvait parler qu'en son nom... Mais elle n'avait qu'à recommander Amber à Davidson, et répondre d'elle. Serment inviolable au besoin.

- Elle devrait me contacter par hibou d'ici peu...

Alice reporta à nouveau son attention sur les ouvrages. Mais elle n'avait plus le coeur à chercher une solution à son problème... Elle se sentait d'une humeur étrange qu'elle n'arrivait pas à définir, comme à chaque fois qu'elle partageait ses pensées avec quelqu'un, fait extrêmement rare. Elle décida de choisir la solution la plus facile : fouillant son sac, elle en sortit le petit couteau d'argent avec lequel elle coupait ses ingrédients en potions, et s'entailla profondément la main, laissant ainsi Pomfresh faire le boulot à sa place.

- On se voit plus tard ! lança-t-elle maladroitement à Amber, avant de sortir à grands pas de la réserve pour se diriger vers l'infirmerie.