[story] The night is dark and full of terrors.

Mangemort

Il semblait faire si chaud, malgré la légère brise d'un après-midi printanier.
L'Héritier des Habsbourg mourait d'envie de retourner au Ministère de la Magie de Londres, et de laisser son destin entre les mains des ravisseurs d'Alice... Et cette petite voix déprimante qui lui confirmait que le seul moyen de la revoir se trouvait dans cette direction...
Il était littéralement anéanti, déboussolé, mais toujours étonnement possédé par cette manie qu'il nommait qualité, de ne rien laisser paraître.

Dès son arrivée à Swindon, il avait ignoré tête baissée l'enthousiasme des Mangemorts, et s'était isolé en s'engageant dans un étroit chemin qui traversait le bois avoisinant l'ancienne bâtisse des Mogg. D'abord pour retarder le moment où il aurait à annoncer la nouvelle à son oncle... Et dieu sait qu'il tenait à le lui dire de sa propre personne... Même si le Duc devait en mourir de tristesse... Il ne laisserait pas ce plaisir aux ennemis.

Marcher, ou tituber, le coeur battant au rythme de ses remords. Chaque bouffée d'air l'étouffait un peu plus.
Si ce pleutre de McBlake ne l'avait pas obligé à décamper, il serait assurément à ses côtés, mourant peut-être, mais toujours en proie à l'honneur.

Le soleil arrivait difficilement à traverser les amoncellements des feuilles sur les branches d'arbres, et la noirceur du sentier lui était presque rassurante.
Il songea... Victor... Victorieux... Non, il ne l'était apparemment pas sur tous les fronts, et fort heureusement son père ne pourra pas le lui faire remarquer, cette fois-ci. Il essayait de réfléchir passablement, sans parvenir à taire la petite voix répéter inlassablement "Tu ne la reverras plus. Jamais plus", d'un ton si solennel qu'on eut cru celle de la sainte mère du Seigneur. Même ses prières n'auraient aucune réponse...

S'il pouvait seulement marcher... Marcher si loin qu'il ne pourrait résister à la tentation d'oublier, et de retourner dans ce château abhorré, pour le régenter comme son père avant lui.
Seul celui qu'il considérait comme son second père l'en empêchait. Parce qu'il était le seul espoir qu'Alice lui revienne en bon état, ou vivante.
En s'attardant un instant pour contempler le cimetière qui se dessinait au loin, il pensa à ce que celui-ci ferait lorsqu'il apprendra la captivité de sa fille unique, qui était censée être sous sa propre protection et celle du duché en Allemagne. Le chasseur de vampire serait capable des pire ignominies à son égard, neveu ou pas neveu. Mais l'oncle justement ? L'oncle le désavouera seulement. Parce que Victor ne la trahira pas. Il n'apprendra jamais au Duc quel véritable dessein Alice comptait réaliser au Ministère, ni les raisons qui la poussèrent à agir ainsi. Et il engendrera toutes les responsabilités... Pour les sauver, elle et... Lucifer.

Inconsciemment penché devant la sépulture du Mogg qui avait osé s'approcher d'Alice, il éprouva un lien qu'il n'avait jamais ressenti auparavant avec cet homme seulement croisé deux ou trois fois au grand maximum dans sa vie. Un lien étrange les unissait tous les trois, dorénavant, réuni dans un secret commun. Mais son lien avec lui semblait encore plus étroit... Etait-ce cet amour douloureusement impossible pour Alice qui les rapprochait ?

- Heureux les miséreux, élus au Royaume des Cieux

, murmura-t-il.

Oui, il éprouvait une certaine jalousie pour cet homme. Non seulement parce qu'il s'était attiré les faveurs de sa cousine avec une facilité déconcertante - quoiqu'il n'eut pas vent de toute l'histoire - mais aussi parce qu'il ne souffrait plus de là où il se trouvait à présent. Victor en vint même à souhaiter qu'il se trouve en l'endroit que son nom lui prédestinait...

- Maudit sois-tu, toi et ton amour pour elle

, cracha-t-il soudainement, dans une voix tremblante de rage, désormais accroupi près de la pierre gravée.

Son rire n'était aucunement enthousiaste, ni joyeux. Il était juste poignant de douleur et de détresse, mêlé à ses larmes d'enfant, qui le dégoûtaient profondément. L'enfant qu'il était jusqu'à ses six ans, car il n'avait jamais été le même par la suite...

Lorsqu'il se rendit de nouveau dans la clairière supplantée du Manoir, les derniers rayons de l'astre du jour rougeoyant, la plupart des hommes noirs avaient disparu. Ils avaient reçu l'ordre de se disperser... Il espérait secrètement que l'Empereur ait pris congé de la Maison également, contrairement à certains Mangemorts qui devaient s'y être installés. Son oncle, lui, devait se trouver ici, car lui-même n'aurait pas le courage de retourner en Allemagne. S'il n'y était pas, Victor se verrait dans l'obligation de demander de l'aide à cette crapule de McBlake...
Alors il entra, sans un bruit sinon celui de ses pas, amorcé par le vieux tapis. D'après les voix qu'il pouvait ouïr depuis le salon principal, seuls des allemands s'y trouvaient, et parmi eux évidemment, le duc von Gotha.
Il ôta alors, le plus solennellement possible, son écharpe, même s'il sentait le regard pesant de son oncle sur lui. Un petit raclement de gorge lui fit prendre confiance en lui, et il osa plonger ses yeux pâles dans ceux de l'homme scrutateur, comme un petit garçon prit en faute.

- Alice n'est jamais rentrée au château.

Dans cette pièce, seuls lui et son oncle maîtrisaient la langue britannique, mais la mine déconfite et grave du jeune homme les firent rapidement comprendre qu'il se passait quelque chose d’embarrassant, mais ils ne prirent cependant pas la peine de s'éclipser.

Mangemort

Ça en était devenu naturel, à moins que ce ne soit dans les gênes… Bientôt une quarantaine d’heures sans sommeil, mais le duc von Gotha n’en portait pas la moindre trace physique. Même ses vêtements semblaient à peine froissés… L’habitude. Et, nonchalamment appuyé contre le buffet à alcool du salon des Mogg, il renvoyait son éternelle image flegmatique de gentleman désintéressé. Cependant, pour les très rares êtres encore vivants le connaissant tout particulièrement, il était en proie à une terrible émotion, chargée d’inquiétude et de de colère.

La passion dévastatrice des von Gotha, tout aussi tristement célèbre que leur tendance à la consanguinité et leurs élans purificateurs. Pourfendeur de vampires, en ce qui concernait l’actuel seigneur du fief familial… Mais les vampires n’étaient en rien responsables, cette fois-ci. Sans doute avait-il été trop cruel, sans doute s’était-elle sentie humiliée… Peut-être même avait-elle souffert, s’était sentie rejetée, avait eu besoin de soins, ou… ? Non… Non, pas pour une simple gifle, il devait se ressaisir.

Silencieux, il portait son verre d’hydromel à sa bouche à intervalles réguliers, écoutant d’une oreille distraite ses hommes commenter avec quelle facilité le gouvernement sorcier austro-hongrois avait accepté de rallier leur cause – à la seule condition que leur allégeance restât secrète, ce qui était bien sûr le vœu le plus cher du groupuscule. Ce qu’ils évitaient soigneusement de mentionner était la raison même de leur présence soudaine en Grande-Bretagne, soi-disant pour analyser la situation du pays ; la vérité était bien plus insupportable que le duc n’osait l’admettre.

Sur une nouvelle gorgée, il se remémora son douloureux retour. Car leur destination première avait été le château de plaisance de Gotha, précisément parce que le duc voulait s’assurer de la sûreté et du pardon de sa fille après leurs cuisantes retrouvailles.
Seulement, le château était précisément comme il l’avait laissé la veille : vide. Aussi, après avoir réduit en poussière l’aile réservée aux serviteurs, nvon Gotha s’était recomposé une contenance et s’était rendu au QG britannique, accompagné de ses sbires.

Les Mangemorts étaient déjà rentrés… Et elle n’était pas là. Et apparemment, personne ne les avait vus, elle et Victor…
Que faisait celui-ci, d’ailleurs ? Pas un mot, pas un signe, rien n’indiquant qu’ils s’étaient rendus dans un lieu secret en attendant qu’Alice cessât de le détester.

Le silence, l’assourdissant silence.

Et le manoir se vida. Il n’était pas vraiment assez grand pour tenir un siège et ne souffrait qu’une quantité limitée d’occupants, qui se retirèrent au pub miteux qui servait d’abreuvoir à cette misérable bourgade de Swindon.

Et c’est alors que Victor, le neveu tant attendu, passa l’encadrement, déchaînant des torrents de questionnements dans le cerveau du duc, qui s’empêcha de se sentir soulagé en voyant que le jeune homme était seul.
Où était-elle, encore, où était-elle ?!...

S’efforcer de demeurer détaché, sans le lâcher des yeux, néanmoins. Lui-même affectait l’indifférence, et c’est pourtant en anglais qu’il s’exprimât, souhaitant débattre en privé de l’absence de sa fille…

- Alice n’est jamais rentrée au château.

La mâchoire du duc se contracta presque imperceptiblement, son regard se durcit. Et pourtant, son fils de substitution ne détournait pas le regard… Tels des chiens charognards, ses gardes du corps observaient la scène sans rien y comprendre, avec délectation. Mais les renvoyer était les condamner à se souler, et donc à se rendre inutile… Le considérant durement quelques instants, le duc tourna le dos au jeune de Habsbourg, lui servant un hydromel pour reprendre le contrôle de lui-même. Lorsqu’il lui tendit, ses jointures étaient blanchies de trop serrer le verre, mais sa main ne tremblait pas.

- Où est-elle ? Pourquoi n’es-tu pas resté avec elle, pourquoi l’as-tu quittée des yeux ?!

Sa voix était monocorde, par égard par rapport à ses hommes, mais son regard d’un vert violent ne pouvait tromper le jeune Victor ; le manoir des Mogg se serait sans doute effondré tel un château de cartes sous le coup de sa rage s’ils y avaient été isolés.

Mangemort

Il se voyait annoncer ces paroles, elles claquèrent comme un coup de tonnerre dans le paisible silence de la lugubre pièce. Impossible de ne pas ressentir une once d'appréhension après cela... Mais c'était plus que de redouter la réaction de son oncle, il ne voulait que mourir sur le champ. Impossible de se dégonfler, le plus dure était déjà fais... Alors pourquoi ce regard vert émeraude le fit frissonner ? Il savait à quoi s'attendre avec le père d'Alice, et cette pensée ne le rassura pas plus, ni le fait qu'il s'était détourné de lui. Curieusement, Victor ne chercha même pas à s'assurer que sa baguette se trouvait bien dans la poche de son manteau... Il comptait le laisser faire, si jamais l'envie lui prenait. L'habitude d'encaisser les coups... Rien en pouvait égaler ce qu'il avait déjà vécu.
Mais c'est un verre que son oncle lui tendit, et ses remords l'assaillaient déjà. Il s'apprêtait à l'accepter, lorsque le duc s'enquit de poser la question qu'il redoutait.

- Où est-elle ? Pourquoi n’es-tu pas resté avec elle, pourquoi l’as-tu quittée des yeux ?!

Sans broncher des yeux, il prit le verre en main, les lèvres légèrement pincées. Le jeune Habsbourg ne bu pas immédiatement et répondit, d'une voix étonnement... assurée.

- Mon oncle, tout est de ma faute. Absolument tout. J'ai agi... égoïstement.

Victor se détourna, jaugeant d'un oeil vif et suspicieux les quelques hommes du Duc von Gotha. Les ombres que provoquait le mauvais éclairage illumina uniquement sa joue gauche... Une petite cicatrice en forme de V s'y était ancrée, il l'utilisait souvent pour accabler sa cousine de remords... Mais qui à présent mourrait de chagrin pour ce qu'il avait fait à l'autre ? Ou plutôt, ce qu'il avait laissé faire...

- Je pensais qu'elle n’encourrait rien à mes côtés. Mais... Nous avons été séparés. Brutalement, on nous l'a enlevé. Les Aurors, mon oncle. Je voulais me battre honorablement pour notre Maître... Et j'ai perdu la raison. Ma cousine... est aux mains de ces satanés...

Cette fois-ci, il dissimula son visage aux autres occupants de la pièce, et bu une longue gorgée d'hydromel, qui lui donna du courage pour faire face de nouveau à son oncle, ravalant larmes et crispations, prenant un air plutôt implorant et surtout... Sincère.

- Saurez-vous me pardonner... En m'incombant de vous la ramener saine et sauve ?

Il portait son verre à bouts de doigts, prêt à faiblir en le laissant tomber au sol. Il suffoquait, transpirait, ce qui dissimulait les dernières larmes qu'il possédait en réserve. Pas des larmes de tristesse, cette fois-ci, mais des larmes de rage... Car il savait pertinemment qu'il venait de perdre la confiance du seul homme en qui il voyait un père.

Mangemort

- Mon oncle, tout est de ma faute. Absolument tout. J'ai agi... égoïstement.

Il jaugea un instant ses gardes et von Gotha dut se concentrer pour se contrôler. Le regard toujours aussi agressif n’avait pas bougé, fixé sur son neveu, attendant des explications qu’il trouvait trop longues à arriver… le poing serré autour du verre aux armes des Mogg, qu’il semblait avoir oublié.

- Je pensais qu'elle n’encourrait rien à mes côtés. Mais... Nous avons été séparés. Brutalement, on nous l'a enlevé. Les Aurors, mon oncle.

Ses jointures blanchissaient à mesure que Victor lui rapportait toute l’histoire.

- Je voulais me battre honorablement pour notre Maître... Et j'ai perdu la raison. Ma cousine... est aux mains de ces satanés...

Le verre du Duc se brisa entre ses doigts, malgré son visage impassible, tandis que le jeune de Habsbourg lui faisait grâce de la vision du sien, torturé par les remords et l’angoisse. Alarmé, l’un des hommes de von Gotha s’empressa de faire apparaitre de quoi soigner ses plaies, mais ce dernier l’écarta d’un geste agacé de sa main ensanglantée. Victor s’était repris, et l’implora, misant sur la confiance qu’il avait toujours eue à son égard.

- Saurez-vous me pardonner... En m'incombant de vous la ramener saine et sauve ?

Le duc ferma un instant les yeux. Son caractère explosif et son absence légendaire de patience le mettait à rude épreuve… Sa fille, sa fille unique, son sang était emprisonnée en tant que terroriste. Pour la bonne cause, certes… Mais là n’était pas sa place ! Que lui avait-il pris de se prendre pour un banal soldat, à ciel ouvert, surtout pour un pays qui n’était pas le sien… ? Plus que sa désobéissance, c’était la raison même de sa fille qui alarmait von Gotha…

Il rouvrit les yeux. Son neveu n’était pas l’unique responsable, bien sûr… Néanmoins… Alice semblait être devenue si dangereuse pour elle-même que son cousin ne semblait plus être de taille à la préserver. Plus seul, en tout cas…

- Il va falloir jouer finement. Plus finement que cet automne…

Il se pinça l’arête du nez, dans son état de stress et de contrariété – et d’inquiétude – réfléchir était un supplice.

- Azkaban est labyrinthique et de plus en plus surveillé. Soit on tente de la faire libérer, disons… Légalement…

… Mais c’était miser gros, étant donné qu’il ne la comprenait plus, elle serait capable de s’auto-condamner.

- … Soit on la fait passer pour morte.

L’astuce consistait en ce qu’on appelait chez les Mangemorts la « méthode Croupton », réalisable dans de très brefs délais à l’aide de polynectar. Sans doute serait-ce la meilleure solution, mais encore fallait-il prendre son temps pour être crédible… Et quelle équipe réunir pour cela ? Le duc eut soudain l’impression de n’être entouré que de bourrins. Cependant…
Il regarda son neveu d’un regard un peu étrange, tout en réfléchissant. Ça se faisait encore, dans l’Est de l’Europe, d’accorder sa fille en récompense à un prétendant. Et justement, la famille Fyodorovitch commençait à faire parler d’elle à propos du deuxième fils tout juste reconnu – nouvel héritier au sang pur, et assez éloigné dans la consanguinité. Oui…

- Jamais tu ne pourras la ramener seul, Victor. Mais avec un coéquipier… Connais-tu le jeune héritier des Fyodorovitch ? Il doit avoir ton âge… Et une motivation toute trouvée.

Peu importait le consentement de sa fille, après tout. Les décisions qu’elle prenait seule n’étaient pas des plus habiles, semblait-il…

*C’est pour son bien.*

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