La cloche retentit, et Violette se hâta de ranger ses affaires, en vrac, dans son sac, et de sortir de la salle de cours. Elle venait de passe une heure abominable, comme malheureusement très souvent. Plongée dans ses pensées, elle parcourait le couloir d’un pas rapide, se dirigeant vers la Grande Salle, bien qu’en vérité, elle n’ait pas très faim. Elle voulait simplement s’éloigner le plus possible de la salle maudite, et surtout, se rendre dans le seul lieu de Poudlard où on pouvait espérait trouver des personnes ne faisant pas encore leur travail scolaire, ni même ne commentant les cours auxquels ils venaient d’assister. Et, même si cela pouvait paraitre utopique eux yeux de certains –trouver un lieu pareil au sein même d’un collège, cela tenait de l’espoir insensé !- il en existait bel et bien un. C’était la grande Salle, tout simplement, où les élèves papotaient joyeusement tout en remplissant leurs estomacs affamés des divers mets qui garnissaient les plats en argent. Vagabondant dans les méandres sinueux de son esprit, la Serpentard ne regardait pas où elle allait. Si elle avait eut une once de bon sens, elle aurait songé à sa gaucherie maladive, et n’aurait pas oublié que s’empresser dans un couloir qui n’était que très rarement vide, en rêvassant, était un facteur de risque pour provoquer un quelconque accident. Oui, mais il s’agissait de Violette, et elle n’était pas réputée pour son discernement. En revanche, sa maladresse, elle, attendait, tapie dans un coin sombre du couloir, dissimulée derrière une statue...

La malchance se manifesta sous la forme d’un élève que Violette percuta de plein fouet. Elle s’écroule comme une vulgaire poupée de chiffon, et fut brutalement sortie de ses pensées. Non pas que la collision ou la chute fussent douloureuses, non, elle avait l’habitude. Simplement, des souvenirs qu’elle avait enfoui au plus profond d’elle-même venaient de lui revenir en tête. Des rires insouciants d’enfants résonnaient à ses oreilles, tandis qu’un sourire malicieux semblait reprendre vie sous ses paupières closes. Mais pourquoi y songeait-elle à cet( instant précis ? Cela faisait si longtemps qu’elle n’avait pas reçu le garçon… Elle ne se rappelait même pas pourquoi il était subitement partie, ni où. Elle se souvenait néanmoins parfaitement du chagrin qu’elle avait ressenti à son départ. Rapidement balayé par le temps, et par son jeune âge, soit, mais une douce mélancolie l’étreignait encore parfois, lorsqu’elle repensait à cette période. A cet ami parti, un beau jour. Comment s’appelait-il, déjà ? Impossible de se le rappeler. Qu’importe, ce n’était pas le moment.

- Ça va aller miss ?

La voix semblait venir de loin, tant Violette se sentait troublée par les souvenirs que lui revenaient subitement. Elle ne prit même pas la peine de répondre au garçon. Ce n’était pas parce qu’elle considérait sa question comme purement rhétorique, ou comme totalement dénuée d’intérêt, mais elle ne parvenait pas à remettre ses pensées en place. Étrange. C’était la première fois que cela lui arrivait, et elle ne comprenait pas pourquoi. Elle ouvrit les yeux, et vit une main qu’on lui tendait, afin de l’aider. Un léger sourire lui vint aux lèvres, alors qu’elle se remettait debout.

-Merci.

Ce fut un simple murmure qui s’échappa de ses lèvres entrouvertes, pendant que les yeux éberlués de la Serpentard dévisageaient avec incrédulité le visage de jeune homme. Tant de ressemblance dans les traits, et ces yeux d’un bleu inoubliable… Mais si vraiment c’était lui, par quel tour du destin n’avaient-ils pu se retrouver avant ? A moins que ce soit simplement la distance et le temps, qui avaient effacé la plupart de souvenirs qu’ils avaient l’un de l’autre. Après tout, ce n’était que le fait d’avoir respiré à plein nez l’odeur du Serpentard, au moment où elle lui était rentrée dedans, qui avait rappelé à Violette son ami d’enfance. Les parfums sont les meilleurs moyens pour se rafraichir la mémoire, disait souvent son père. Il avait certainement eu raison, comme de nombreuses fois. Elle sentit le regard su Serpentard la détailler de haut en bas, et, si elle en fut quelque peu gênée, et n’en rougit pas, une incessante question lui revenant en tête. Se pouvait-il que ce soit réellement lui ? Et si c’était le cas, songeait-il à la même chose qu’elle, ou bien l’avait-il oubliée ?

Le garçon reprit la parole, hésitant, et, peut-être, légèrement troublé.

- Euh… Je sais qu’on est de la même maison et que ma question pourrait paraitre stupide mais…

*Mais quoi ?...*

Était-elle en plein rêve ? Se sentait-elle si angoissée par les derniers événements qu’elle ne désirait que retrouver l’innocente naïveté de son enfance, par la même occasion, celui qui fut son meilleur ami ? Ou alors…

- On ne se connaitrait pas par hasard ? Enfin je veux dire… avant ici, enfin avant d’être à Poudlard…

Kieran. Son ami d’enfance s’appelait Kieran. Et, Violette en était à présent certaine, c’était bien lui, grandi de quelques années, qui se tenait en face d’elle. Le sourire se la rouquine s’élargit. Elle ne pouvait se tromper, tout en ce Serpentard lui rappelait les multiples bêtises qu'ils avaient fait, tous les deux. Vraiment, ils avaient fait les quatre cents coups, avaient été les pires des garnements, mais au moins, leur enfance gardait une magnifique couleur dorée à se rappeler ce qu'ils avaient fait ensembles...

- Je… tu… Kieran !

Et, malgré la joie qui bouillonnait en elle à retrouver son ami d’enfance, ce fut un cri de totale incrédulité plus que d’euphorie qui s’éleva dans le couloir.

- Bien sur que si, on s’est connu… Ballycastle… Tu te souviens quand on avait poussé Jill Wood dans l’Ollar ? [C’est un fleuve. Oui, j’ai que ça à foutre de faire des recherches de ce genre. Oui, j’suis une sadique qui pousse les gens dans des fleuves].

Le sourire de la jeune fille ne fit plus douter Kieran un seul instant. Un évènement de surprise qui le rendait abasourdi. Son amie d'enfance qui se tenait là devant lui. Stupéfait de se retrouver devant celle qu’il n’avait plus espérer voir, surtout en ces lieux tellement se fut pour lui impossible. Comment se faisait-il qu'elle était elle aussi à Poudlard ? C'était tellement invraisemblable. De nouveau, ils se retrouvaient, comme avant, c'était tout juste incroyable. Tant de souvenirs qui remontaient à la surface l'espace d'un instant. Il osait à peine y croire. Était-ce réellement elle ?

- Je… tu… Kieran !

Elle l'avait reconnu ! Alors dans ce cas plus d'hésitation, il s'agissait bien de Violette. Pensant qu'il était plongé dans un songe, il cligna plusieurs fois des yeux pour être sur de ne pas être en train de rêver de la voir. Elle avait quand même tant changé physiquement. Plus grande, ce qui était logique après tout ce temps. Beaucoup plus belle. La Serpentard était devenue une magnifique jeune fille à présent.

- Bien sur que si, on s’est connu… Ballycastle… Tu te souviens quand on avait poussé Jill Wood dans l’Ollar ? lâcha-t-elle ensuite totalement incrédule même pour une telle retrouvaille.

Le jeune homme éclata d'un rire joyeux et cristallin, elle n'avait pas du tout changé. Cela faisait des années qu'ils ne s'étaient pas revu et pourtant elle arrivait à montrer un étonnement plutôt modéré devant leur rencontre si inattendue. Le temps avait passé et pourtant il pouvait ressentir cette forte amitié qu'ils y avaient entre eux et qui ne semblait pas s'être éteinte. Tant de merveilleux moments qu'ils avaient vécu étant plus jeunes, laissant l'insouciance et les joies de l'enfance les submergé, laissant libre court à leur imagination débordante et aux tours les plus phénoménaux mais aussi mauvais parfois, qui au final étaient dignes de futurs Serpentard sans qu'ils s'en soient rendus compte. Encore emmitouflé dans une innocence que personne ne leur avait reproché, ils avaient toujours ce besoin d’assouvir leurs divertissements par des jeux enfantins, des bêtises. Embêter le monde. Se prendre pour des héros. Et maintenant ils avaient grandi, leurs aspirations avaient changé, le temps de la naïveté était fini, chacun avait pris leur chemin après leur séparation, l'éloignement et le temps avaient fait le reste. Et pourtant même avec tout ça, ce lien qui les avait si fortement lié était encore présent quelque part.

- Si je m'en souviens ? Évidement ! Comment oublier ça ? Le pauvre en avait vu de toutes les couleurs avec nous..., répondit-il dans un ricanement.

Le visage du jeune homme se fit soudainement plus sérieux, plus grave.

- Je suis heureux Violette... Que tu sois là... Devant moi, avoua-t-il en caressant la joue de la jeune fille, comme s'il vérifiait qu'il n'était pas devant une illusion. Je pensais ne plus jamais te revoir.

Retirant rapidement sa main de son visage, Kieran se passa une main dans les cheveux, un peu gêné par la situation. Il devait vraiment avoir l'air ridicule, à hésiter dans ses phrases, à perdre les mots de la sorte mais peu importe, la Serpentard allait surement le comprendre. Cela faisait une éternité qu'il n'avait pas parlé à son amie. Il ne savait pas vraiment quoi lui dire et c'était difficile de recommencer à parler normalement, enfin surtout pour lui. Le pire était de démarrer une discussion maintenant... Et doué comme il l'était Kieran allait comme à son habitude avoir une réflexion qui méritait que Violette se moque de lui.

-Alors... Qu'est-ce que tu es devenue depuis ? finit-il par lâcher.

En effet c'était là une des questions bateaux les plus idiotes que l'on pouvait poser quand on ne savait pas quoi dire... Mais que pouvait-il ajouter de plus exactement ? Comme si c'était si simple. Vous ne voyez pas une personne à laquelle vous étiez attaché pendant des années et par le plus pur des hasards vous la retrouvez, dans un couloir, un beau jour, en vous heurtant contre elle comme dans les films moldus... Essayez de démarrer une conversation normale quand on s'appelle Kieran O'Farrell, il s'agit là d'un véritable défi !

*Je me voyais mal lui sortir, alors la vie à Poudlard ça te plait ? Tu t'es fait des amis ?*

Le rire argentin et mélodieux de Kieran retentit dans les couloirs, se répercutant contre les murs, et ramenant encore plus de souvenirs à l’esprit de Violette. Lui aussi était bien évidemment ébahi par ces retrouvailles fortuites, mais portant, ce fut comme si toutes les années qui s’étaient écoulées depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vu n’avaient pas existe. Comme s’ils s’étaient simplement quittés la veille, après, sans doute, avoir joué un mauvais coup à Jill Wood. L’amitié qu’ils avaient nouée étant enfants était revenue, toujours aussi forte, et Violette comprit à cet instant qu’elle ne s’était jamais éteinte.


- Si je m'en souviens ? Évidement ! Comment oublier ça ? Le pauvre en avait vu de toutes les couleurs avec nous..., répliqua-t-il en ricanant, le même air que celui qu’il affichait lorsqu’ils imaginaient un nouveau plan pour se débarrasser de « Bonne à rien », comme ils l’appelaient, se dessinant sur son visage. Soudain, il cessa de ricaner, et enleva ce masque enfantin qu’il venait de se poser, pour prendre un air plus grave et sérieux.

- Je suis heureux Violette... Que tu sois là... Devant moi, dit-il d’une voix hésitante, sa main caressant la joue de la Serpentard, dont les yeux sombres se voilèrent soudainement de larmes. De joie, bien évidemment. Mais, même si elle le connaissait bien, elle refusait de pleurer devant lui pour un motif aussi puéril.

- Je pensais ne plus jamais te revoir.
*D’un côté, comment croire que ce n’est pas un rêve ?*

La rouquine sourit intérieurement en songeant à tous les moyens employés pour cacher à son ami, qu’elle prenait pour un simple Moldu, sa véritable nature. Et voilà qu’elle s’apercevait que ces efforts avaient été inutiles, puisqu’il faisait parti du même monde qu’elle. Merveilleuse coïncidence. Étrange, soit, mais merveilleuse.

Kieran retira sa main, l’air quelque peu honteux, et la passa dans ses cheveux d’un geste embarrassé. Il paraissait confus d’avoir hésité de cette manière, de s’être emmêler dans ses mots, et de ne plus savoir que dire. Et il connaissait si bien Violette qu’il pouvait anticiper toutes ses réactions, et craignait de dire quoique ce soit qui puisse le ridiculiser devant elle. D’un autre côté, il fallait avouer qu’après tant d’années sans se parler, reprendre une discussion badine était malaisé. Finalement, ce fut d’un ton piteux qu’il lâcha :


-Alors... Qu'est-ce que tu es devenue depuis ?

Question qui pouvait semblait idiote, si bien que Violette ne pu dissimuler un sourire narquois à l’entendre, mais qui pourtant se révélait capitale. Le seul moyen qu’ils avaient pour rattraper ce temps perdu était de s’échanger toutes ces banalités de la vie courant, tous les moments qu’ils avaient vécu loin l’un de l’autre, et ainsi ils se retrouveraient en parfaite harmonie comme ils l’étaient avant.

Violette ne sut comment formuler ce qu’elle avait à dire, mais ne voulait sous aucun prétexte faire perdurer un silence inutile entre Kieran et elle, et tout sortit dans un torrent de mots, parfois rattachés de manière totalement incohérente :

-Moi ? Eh bien... Tu étais déjà parti, donc tu n’en a sans doute pas entendu parler, mais ça avait fait la une des journaux, à l’époque… Orpheline de père… Maman en pieux état… Susan aigrie tutrice… Serpentard… Et…

…Tant d’autres choses qui ne pouvaient être racontées en quelques instants au milieu d’un couloir.

- … Toi ?

Kieran ne fut guère étonné de la réaction de son amie face à sa question stupide. Violette avait eu un petit sourire moqueur, ce qui le gêna quelque peu quand même. Enfin il avait quand même eut l’habitude auparavant de se ridiculiser devant elle. Il n'avait peut-être pas tant changé que ça finalement depuis, toujours aussi maladroit.
Mais n’y avait-il pas une part de bon sens dans cette question ? Surement. Après une aussi longue séparation, sans doute Kieran avait jugé primordial de savoir ce qu’elle était devenue.

-Moi ? Eh bien... Tu étais déjà parti, donc tu n’en a sans doute pas entendu parler, mais ça avait fait la une des journaux, à l’époque… Orpheline de père… Maman en pieux état… Susan aigrie tutrice… Serpentard… Et…

Et tout un flot de mot qui avait embrouillé l’esprit du jeune homme qui était encore sur le « ça avait fait la une des journaux ». Le jeune homme n’avait pas bien saisi. Est-ce que « la une des journaux » avait un rapport avec le « Orpheline de père » ? Dans ce cas pourquoi ça avait fait la une des journaux ? Kieran ne savait pas s’il avait le droit d’en savoir plus, il ne voulait pas la mettre mal à l’aise dès leur première discussion après si longtemps. De quoi avait-elle parlé ensuite ? Ou plutôt quelle bribe de mot avait-elle ajouté ? Sa mère. La mère de Violette, une femme formidable qu’il avait eu le plaisir de rencontrer étant plus jeune. Alors ainsi donc elle n’allait pas bien… Kieran était désolé pour elle. Comme le temps pouvait vite vous changer… Et il en était de même pour Susan visiblement. Là aussi il aurait aimé savoir pourquoi sa sœur avait changé et qu’est-ce qu’il était arrivé à la mère de Violette. Il faut dire qu'il avait beaucoup apprécié Susan, surtout ses délicieux gâteaux aux abricots... En réalité il avait des tas de questions à lui poser mais s'ils se mettaient à tout déballer d'un coup, la pauvre Violette ne s'en sortirait plus... Et la peur de la froisser l’empêchait de lui demander tout ce qu'il bouillonait en lui.

*Qu'est-il arrivé à ton père ? Pourquoi ta mère ne va pas bien ? Que s'est-il passé avec Susan ? Pourquoi est-elle devenue ta tutrice ? Comment vont tes frères ? Sont-ils ici aussi ? Et... *

-…Toi ?

-Moi ?

Kieran était encore totalement perdu dans son amas d’interrogation, qu’il avait du mal à son tour de parler de lui.

*Tant pis, je lui demanderai plus de détails plus tard. Peut-être qu’elle est passées directement à moi pour éviter d’en parler maintenant*

-Eh bien… Quand je suis parti, mes parents m’ont de nouveau laissé seul avec ma tutrice à Prague. Enfin maintenant je peux te le dire ma mère est Guérisseur à Sainte Mangouste et mon père Auror, c’est pour ça qu’on les voyait que très rarement, pour ne pas dire jamais… Enfin. Après je me suis retrouvé ici, à Poudlard, Serpentard. Et voilà ! conclut-il avec un beau sourire.

Ils avaient beaux être face à face depuis une petite dizaine de minutes surement, Kieran n’arrivait pas encore à croire que c’était bien Violette qu’il avait devant lui. Était-ce qu’un moment fugace? Une vision momentanée? Non Kieran, il fallait qu’il ouvre les yeux et qu’il se rende compte que tout ceci était cette réalité tant désirée, mais qu’il n’osait pas espérer. Comme la vie était étrange, qu’ils se retrouvent tous les deux dans un couloir à Poudlard. Et dire qu’ils s’étaient tous deux cachés leur appartenance au monde de la magie alors qu’ils ignoraient en faire partie l’un et l’autre. La vie réservait bien des surprises.

-J’arrive pas à croire que tu es là devant moi Vio, reprit-il en riant joyeusement. Il y a un truc que j’étais en train de me dire du coup… Imagine que Jill était là elle aussi ! Ça serait encore plus fou !

Bon c'était impossible quand même... Si Jill Wood était à Poudlard alors là ce serait la nouvelle la plus vraisemblable de toute son existence.

*Non vraiment... Le jour où elle sera sorcière les elfes de maisons auront pris le pouvoir.*

Et bien si le jeune homme se doutait que cette suggestion était en réalité bien réelle... Effectivement Kieran n'était pas aux bouts de ses surprises bien au contraire, tout ne faisait que commencer.